Au piano

Urtreger 2010andreu dalle

 

 

 

 

 

 

René Urtreger
le 28 janvier dernier

au Festival Jazz de Sens

 

    La réputation de René Urtreger (né en 1934) n'est plus à établir. Elle est celle d'un grand pianiste de jazz français qui a joué avec — pour ne citer qu'eux —  Lester Young, Barney Wilen, Dizzy Gillespie, Lionel Hampton, Chet Baker, Stan Getz, Miles Davis (c'est notamment lui qui est au piano dans la bande originale du film Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle, 1958). Ce musicien  connait en effet la célébrité, reçoit régulièrement des honneurs mérités et est à l'origine de nombreux CD magnifiques. Mais cependant, voir de ses yeux et entendre de ses oreilles en concert celui que l'on appelle dans le milieu du jazz "le roi René" constitue une expérience privilégiée dont on se souviendra longtemps. 
    René Urtreger possède une finesse de toucher associée à un swing hardi et généreux. Son attitude sur scène et sa façon d'appréhender le piano dénotent de plus la démarche d'un musicien humble.

    Le programme du spectacle s'est tourné vers des thèmes tels que Airegin (Sonny Rollins), If I were a Bell (Frank Loesser), Round Midnight (Thélonious Monk) ou encore So What (Miles Davis), thèmes entre lesquels se sont intercalées diverses compositions dont l'excellent Timid.
    Aux côtés du pianiste, Yves Torchinsky tenait la contrebasse. Yves Torchinsky est un mélodiste comme on en entend rarement avec cet instrument. Il sait faire percevoir distinctement le chant des thèmes; il donne un caractère net, dessiné, à ses improvisations. On ne se lasse pas de le regarder jouer.
    Troisième élément du trio, le batteur Eric Dervieux a aussi capté notre sensibilité avec des flux d'équations rythmiques remplies d'inventions, de force et de vie (très impressionnants solos) en dépit d'une sonorisation beaucoup trop puissante pour la batterie.
    René Urtreger se montre très affirmé dans une mouvance et une musicalité bop et post-bop. On est preneur sans restrictions. Entre deux interprétations, le pianiste a confié à l'auditoire qu'il trouvait le jazz actuel parfois un peu "trop cérébral". Une manière pour lui de voter pour le plaisir partagé avant tout, pour la chaleur, pour la simplicité, pour l'ouverture à tous et à toutes. Une manière de plébisciter un jazz sensitif, spontané, plus proche du cœur que des méninges.

                                                                                             Didier Robrieux

 

Photo : Andreu-Dalle

 

[ 2016 ]
DR/© D. Robrieux