Un texte essentiel

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Léon Tolstoï
 

MAITRE ET SERVITEUR

                                                         Nouvelle

 


     Des étincelles d’humanité qui encouragent à ne pas désespérer définitivement de nos civilisations dites « modernes » fauteuses — en 2022 ! — de guerres barbares et oppressives débridées ?… Il s’en trouve heureusement de nombreuses, de ces étincelles d’humanité, produites par des milliers d’hommes et de femmes de bonne volonté qui s’échinent à pratiquer une philosophie fraternelle, à œuvrer pour le bien d’autrui, à servir des causes justes. Côté fiction et littérature, il s’en trouve aussi une qui réchauffe le cœur dans cette nouvelle de Léon Tolstoï (1828-1910) datant de 1894 et intitulée Maître et Serviteur.
    Voila une histoire des plus simples qui met en scène un riche marchand de province, Vassili Andréïtch, et son valet de ferme, Nikita, « apprécié pour son ardeur au travail, son adresse et sa force, et surtout pour sa gentillesse et son caractère agréable ». Vassili Andréïtch, le marchand, est un homme à poigne, inlassablement satisfait de lui-même, un grigou, un roublard, âpre au gain, qui a le démon des affaires. Il paye médiocrement son domestique, l’exploite, ne rate jamais une occasion de tenter de l’escroquer ni de lui adresser des railleries cruelles.

    Nous sommes dans les années 1870 au cœur de l’hiver. Pressé jusqu’à l’obsession de se rendre acquéreur d’une nouvelle parcelle de forêt située dans une région assez reculée, Vassili Andréïtch donne l’ordre à Nikita de préparer un traîneau et d’atteler Belle-Face, le cheval. Le départ a lieu. En ce début d’après-midi, la température extérieure affiche moins dix degrés. Le vent souffle violemment, la neige se met à tomber en abondance. Après une demi-heure de route, la situation climatique se détériore plus encore. Pourtant, le marchand s’obstine et refuse de rebrousser chemin. Les chutes de neige continuent de déferler jusqu’à recouvrir peu à peu la route privant cette dernière de tous repères. Andréïtch et Nikita finissent par s'égarer totalement !
Après avoir perdu le cap, ils réalisent qu’ils ont tourné en rond et qu’ils ont involontairement rejoint les abords du village de Grichkino. Tirés d’affaire, ils trouvent abri dans l’accueillante demeure d’un des fermiers de la localité… mais il n’est évidemment pas question ici de continuer un compte rendu de ce récit et de dévoiler la suite de cette histoire incroyable car c’est particulièrement son épilogue, au terme d’une narration captivante, qui fait que Maître et Serviteur est un texte qui emporte très haut. Un texte saisissant, inoubliable.
    Une étincelle d’humanité.

Didier Robrieux

Léon Tolstoï
MAITRE ET SERVITEUR

Nouvelle, 80 pages

Ed. Folio /Gallimard, 1997, et Flammarion 

 

[Avril 2022]
DR/© D. Robrieux