Livre

Mp 1

Biographie

Franck Médioni

MICHEL PETRUCCIANI

Le pianiste pressé

    La lecture de la biographie de Franck Médioni intitulée Michel Petrucciani, Le pianiste pressé donne lieu à une immersion complète dans ce que furent la vie et l’accomplissement musical de cet instrumentiste de jazz vigoureux et florissant que fut Michel Petrucciani (1962-1999).
    Le mot calvaire n’est pas un mot outrancier s’appliquant aux trente-sept années d’existence de ce musicien. Un calvaire permanent où se cumulaient handicap, douleurs physiques quotidiennes, souffrances psychologiques intermittentes, activité sociale et personnelle frappée d’embarras incessants. Le livre de Frank Médioni évoque largement cette condition tragique à laquelle ce jazzman natif d’Orange (Vaucluse) a été confronté dès la naissance et qu’il a mis un point d’honneur à endurer le plus souvent sans broncher ni se plaindre. La situation de santé de Michel Petrucciani reste dans nos pensées et son courage stupéfiant en impose à tous.
    La vie privée de Michel Petrucciani est par ailleurs abondamment décrite et documentée¹ dans ce travail biographique qui donne surtout la part belle au parcours de l’artiste, à son labeur musical, à sa réussite.
    Tant pis si l’on échoue à éviter les superlatifs un peu forts mais lorsque l’on aborde ou que l’on réécoute les exécutions musicales de Michel Petrucciani, on est secoué d’étonnement, d’émerveillement ! Il est impossible de ne pas entendre qu’il y a dans la musique de ce musicien quelque chose qui relève d’une beauté sonore tout à la fois spectaculaire et élevée, quelque chose qui tient du prodige ! Constat inévitable.
    Michel Petrucciani se situe au degré des meilleurs pianistes au monde dans la veine des Duke Ellington, Oscar Peterson, Bud Powell, Errol Garner, Keith Jarrett, Bill Evans. Son jazz est un jazz le plus souvent aux accents puissants, énergiques, expansifs, retentissants. Un jazz également réglé, méthodique, fruit de milliers d’heures d’étude. Un jazz aussi sentimental, passionné.
    « Mélodique », « lyrique », « flamboyant », « percussif », sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent dans l’ouvrage de Franck Médioni concernant le jeu de Michel Petrucciani. Sont également soulignées les « attaques nettes », la « précision rythmique », la « clarté de ses longues phrases», la « simplicité du geste musical », la « fluidité » du rendu, qui étaient les siennes. Dans ses enregistrements, Michel Petrucciani nous régale de ses arrangements de thèmes et de ses improvisations, tantôt en coloriste délicat, tantôt en pyrotechnicien acharné. Franck Médioni délivre avec passion son sentiment personnel sur la plupart des CD live ou studio qui ont été produits.
    Michel Petrucciani a joué avec les plus grands noms du jazz, a accompli un nombre incalculable de concerts, a effectué des milliers de kilomètres lors de tournées nationales et internationales. En solo ou en formation, il a excellé dans un large spectre d’interprétation : standards (registre de prédilection) et compositions (domaine particulièrement fertile : 140 créations originales !). Les prestations dans lesquelles se démontrent ses talents d’« accompagnement » sont également très marquantes (mémorables moments musicaux notamment avec Eddy Louiss ou encore avec Stéphane Grappelli).
    En plus d’avoir réunis de nombreux témoignages d’amis ou de musiciens admirateurs de cette immense figure du piano jazz, le biographe s’est aussi attaché à rassembler quantité de propos tenus par Michel Petrucciani relatifs à sa démarche instrumentale et à la dimension sacrée qu’il vouait au jazz.
    Pour beaucoup, après avoir été longtemps insuffisamment attentifs à l’œuvre pianistique de Michel Petrucciani, nous voila tout oreilles à sa musique ! L’ouvrage de Franck Médioni possède le pouvoir de contribuer à cet éveil.

Didier Robrieux

MICHEL PETRUCCIANI
Le pianiste pressé
Par Franck Médioni
Ed. de L’Archipel, 2024

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1. Quelques passages du livre relatifs à cette vie « privée » n’apparaissent pas cependant comme des plus nécessaires. Certains tendent à montrer objectivement que le musicien n’était pas avare d’excès transgressifs en tous genres ; d’autres fouillent plus discutablement dans des recoins intimes « anatomico-sexuels », par exemple, dont on n'a, en réalité, que faire.