DISQUES

Index 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Flûte & harmonica chromatique

ÉMILIE CALMÉ, LAURENT MAUR

 

Album Fantaisie improbable

 

Une hybridation instrumentale
et musicale réussie


    C’est l’après-midi que s’ébat majestueusement le faune du fameux Prélude de Debussy. Celui que l’on croit apercevoir fugitivement par l’entremise de la flûte d’Émilie Calmé au début de l’album Fantaisie improbable est plus matinal. Dans ce premier morceau baptisé Aube [mouvement I], l’instrument pourrait en effet incarner, ici aussi, la gambade de quelque divinité champêtre, cornue ou non, sur fond d’aurore bucolique. Mais les clartés du jour naissant voient très vite poindre un tableau musical plus réaliste avec l’arrivée d’un unisson et d’un rythme saccadé générés par l’harmonica chromatique de Laurent Maur qui s’est choisi pour la circonstance un timbre d’accordéon argentin. Flûtiste et harmoniciste se donnent ensuite la réciproque.

    Conduit par le long lamento d’une conque neptunienne figurée là encore par
Émilie Calmé à la flûte, le mouvement III d’Aube [la mer] retient également l’attention. Il est entrecoupé d’un intermède « électro » bien énigmatique. Serait-ce l’orgue du Capitaine Némo ? Voila une composition qui trouverait assurément sa place dans la BO d’une version cinématographique de Vingt Mille Lieues sous les Mers… A moins que ce ne soit dans celle d’un film du type d’Abyss de James Cameron.

    L’air émouvant qui parcourt le bruissement sourd et poétique de Songe, la volée de bois vert administrée à l’arbitraire sur un mode de dérision dansante dans La Valse Des Tricards ainsi que la sarabande de Machala au cours de laquelle sons d’Irlande et d’Amérique Latine se donnent la main comptent aussi parmi les événements notables du CD.

    En ce qui le concerne, le titre Ombre Et Lumière présente un fort contraste grave-aigu
: une partie de flûte qui récidive de sensibilité et qui rappelle celles jouées par le génial Yusef Lateef ; un harmonica intense, au meilleur de lui-même pour le deuxième volet de ce dyptique. En complément, ajoutons que l’ambiance SF et les effets « synthétiseur » peu rassurants de Blade trouvent heureusement une compensation réconfortante avec la construction mélodique touchante de Lotus.

    Dans cet enregistrement, flûte et harmonica sont de force égale. Le contrat est brillamment rempli entre ces deux instruments mélodistes qui se font tour à tour rythmiciens pour s’accompagner ou se répondre l’un l’autre. La plupart des compositions du CD offre des attraits aigres-doux. L’album témoigne de la haute adresse du duo Émilie Calmé-Laurent Maur à créer des morceaux originaux et des sonorités inédites dans un créneau contemporain, voire expérimental. 

Didier Robrieux

 


© Tempo Septembre 2022
[article publié dans le journal jazz Tempo,
journal devenu magazine web de janvier 2020 à septembre 2022]

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